Faire face aux conflits dans une équipe associative

Faire face aux conflits dans une équipe associative 150 150 Gilles LE CARDINAL

Construire une équipe durable dans une association signifie mettre en place une direction compétente, capable de prévenir et de gérer les conflits. Malheureusement, aucune équipe ne peut durer sans traverser des zones de turbulences ; or, la coopération est intrinsèquement instable, alors que le conflit s’auto alimente.

Heureusement, il existe des méthodes pour d’une part stabiliser la coopération et prévenir les conflits, et d‘autre part agir de façon constructive quand les conflits apparaissent.

Nous verrons, dans une première partie, les conditions à remplir pour constituer une équipe coopérative puis, dans une deuxième partie, nous proposerons des repères facilitant la réconciliation après une éventuelle rupture.

La construction d’une équipe coopérative

L’unité d’une équipe se construit par l’accord de ses membres sur sa finalité. Cet accord ne va pas de soi et les participants rechignent souvent à l’idée de passer du temps à formaliser cette finalité. Or chaque participant a ses propres objectifs, et la finalité n’est pas la somme de tous ces objectifs.

La première étape consiste donc à préciser la finalité qui se concrétise par une phrase qui doit faire consensus et qui constituera le ciment de l’équipe. Par exemple, l’association Intercordia qui accompagne des jeunes pendant une année humanitaire et délivre un diplôme d’université a choisi comme finalité: «Se former ensemble à une pratique de paix».

La deuxième étape vise à identifier tous les objectifs  de l’équipe. Elle implique une volonté de partager les informations pertinentes que l’on est le seul à détenir…or cela revient à partager le pouvoir, objet de toutes les convoitises.

La troisième étape consiste à connaître les talents de chaque équipier de manière à pouvoir y faire appel de façon pertinente.

La quatrième étape consiste à construire ensemble une représentation des interactions qui relient les différentes personnes compte-tenu de leur statut.

Malheureusement, nous avons tous envie de mener nos actions à notre guise, sans dépendre de qui que ce soit. Or une équipe qui opère en confiance a deux caractéristiques :

  • elle répartit clairement les tâches et les missions en fonction des compétences et des disponibilités de chacun ;
  • elle définit les nécessaires coopérations à mettre en place entre les responsables des différentes missions.

L’équipe de recherche que j’ai animé à l’Université Technologique de Compiègne ( UTC) a mis au point une façon simple et efficace de faire  ce double travail en  faisant l’inventaire des peurs, des attraits et les tentations des différents points de vue en présence. Ce procédé, qui permet de construire une représentation réaliste des situations d’interdépendance, a donné lieu à la création de « Diapason© »,  un jeu sérieux qui permet d’éclairer et d’améliorer une situation d’interaction délicate en précisant qui doit faire quoi, comment et pourquoi (voir son descriptif dans l’encadré).

Quatre principes  résument les comportements souhaitables en équipe:

  • Respect de l’être unique et défaillant de chacun, ce qui suppose « non-jugement de son être » ;
  • Légitimité de la place attribuée à chacun, ce qui implique la    « non-violence » dans la prise de responsabilités ;
  • Loyauté de la parole, ce qui implique que ce qui est dit est vrai, exigence de « non-mensonge » ;
  • Confiance dans la prise de risque qui consiste à passer une alliance durable avec d’autres,  exigence de « non-trahison » des engagements.

Comment rétablir la confiance après une rupture ?

Le fait est que si nous sommes tous uniques avec des talents spécifiques, nous sommes tous défaillants, défaillances qui expliquent nos multiples transgressions possibles:

  • jugements et reproches qui humilient son destinataire ;
  • remise en cause d’un équipier et volonté de prendre sa place ;
  • rétention d’informations pertinentes et lutte pour le pouvoir ;
  • non respect de ses engagements et promesses.

Pour faire face à de telles situations de transgression, il nous faut avant tout faire un diagnostic précis des « chocs » qui perturbent le problème traité :

  • Les chocs de personnalités qui nécessitent un travail sur soi pour une meilleure connaissance de ses fonctionnements personnels. De nombreux tests et sessions aident à faire ce travail indispensable[1]à toute vie d’équipe et qui présente aussi l’avantage salutaire de nous faire découvrir qu’il y a d’autres façons de fonctionner que la notre.
  • Les chocs des statuts et des places qui ne seront résolus que par une clarification menée ensemble qui concerne les domaines de responsabilité et leurs frontières ainsi que les domaines où les interactions sont primordiales et où les décisions doivent être prises en commun.
  • Les choc de cultures qui sont les plus difficile à identifier et à résoudre, car nos cultures sont comme les lunettes avec lesquelles nous regardons le monde, lunettes nécessairement déformantes puisqu’adaptées à notre seule vision.

Pour faire face alors aux situations douloureuses créées par ces chocs, il convient d’analyser la situation d’abord de notre point de vue, puis en s’obligeant à se mettre à la place de l’autre. Cette décentration, difficile, n’est pas aisée ; mais il est important « d’essayer», car cet effort change notre regard et nous ouvre à d’autres dimensions de la situation dont nous étions inconscients.

De même, mettre des mots sur nos ressentis et nos besoins est une autre étape importante qui permet de prendre du recul sur la situation, comme nous y invite la Communication Non Violente (CNV). Gary Chapman , auteur de nombreux livres à succès sur la relation d’aide, propose à l’« offenseur », s’il a pris conscience de son offense, cinq attitudes qui facilitent le pardon de « l’offensé » :

  • le regret qui reconnaît l’erreur, en disant : « Je suis désolé » ;
  • la reconnaissance de sa responsabilité, en disant : « J’ai eu tort, j’ai fait une erreur » ;
  • La réparation de ce qui est réparable, en proposant : « je vais faire ce que je peux pour réparer l’erreur » ;
  • Le repentir qui se traduit par la phrase : « Je vais tirer partie de l’erreur pour qu’elle ne se reproduise pas » ;
  • la demande de pardon pour ce qui n’est pas réparable qui passe par la demande : « Veux-tu, peux-tu me pardonner ? »

En tant «  qu’offensé », la situation la plus difficile est celle où « l’offenseur » ne reconnaît pas l’offense. Dans ce cas, il faut demander une grâce particulière, la grâce du pardon gratuit et unilatéral, car la situation est vraiment très difficile.

Si «  l’offenseur » accepte une rencontre, mon conseil sera de la préparer en appliquant une des techniques évoquées précédemment (CNV, Diapason,..). Menée seul et  par écrit, cette préparation permettra ensuite de s’exprimer en  face à face, en usant d’un langage de vérité.

Il reste que , si « l’offenseur » se considère lui-même offensé par d’autres faits qu’il conteste, s’il y a un désaccord persistant sur une décision prise ou sur une délégation contestée, refusée ou réclamée abusivement, il est bon et utile de reconnaitre ses limites et de faire alors appel à un tiers médiateur qui facilitera la réconciliation et le pardon, libérant « l’offensé » comme « l’offenseur ».

Connaître et maitriser les démarches facilitant le pardon peut même conduire à la formule paradoxale : « D’un  conflit, je peux toujours apprendre quelque chose sur moi-même, sur l’autre  et sur les relations humaines » !

 Conclusion

« Mieux vaut se savoir en danger que de se croire en sécurité » : or faire partie d’une équipe associative n’est pas de tout repos et les conflits y sont inévitables.

Le but n’est pas de chercher le « zéro conflit », mais de promouvoir d’abord au sein d’une équipe associative une attitude préventive, basée sur le dialogue et l’échange, puis de construire une attitude positive capable de renouer d’éventuelles relations blessées.

Gilles LE CARDINAL, revue Initiales, n°243, septembre 2016

[1] Voici quelques tests utiles sur les fonctionnements : cérébral (Test d’Herman), psychologique (Ennéagramme), relationnel (Analyse Transactionnelle),  héritage familial (Messages Contraignants, AT), comportement en situation d’écoute (Test de Porter)…

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